L’escrime
L’escrime est un sport de combat. Il s’agit de l’art de toucher un adversaire avec la pointe (estoc) ou le tranchant (taille) d’une arme blanche sur les parties valables sans être touché.

On utilise trois types d’armes : l’épée (discipline olympique depuis 1900 pour les hommes et 1956 pour les femmes), le sabre (discipline olympique depuis 1896 pour les hommes et 2004 pour les femmes) et le fleuret (discipline olympique depuis 1896 pour les hommes et 1924 pour les femmes). Ces trois armes sont mixtes : épée féminine et masculine, fleuret féminin et masculin et sabre féminin et masculin. Les épreuves sont individuelles ou par équipes. Elles sont donc au nombre de douze.

L’escrime est l’un des sports où le français est la langue officielle. Chaque pays utilise sa langue pour les compétitions nationales, mais dès que la compétition devient internationale, le français est obligatoire pour l’arbitrage. « En Garde ! Etes vous prêts ? Allez ! Halte ! … ». L’arbitre dispose en plus d’un code de signe pour expliquer chaque phrase d’armes.

Si l’on considère l’escrime comme l’art de manier les armes de poing, son histoire commence à l’aube de l’humanité. Dès l’antiquité, les témoignages de combats à l’arme blanche sont nombreux, à l’instar des bas-reliefs égyptiens du temple de Ramsès III à Médinet Habou.

La conception moderne de l’escrime apparaît en même temps que l’arme à feu. Jusque là, les techniques devaient s’adapter aux protections que portaient l’adversaire et notamment la cotte de mailles ou l’armure. Avec l’apparition de la poudre, la course en avant entre l’outil offensif, l’épée, et la protection, l’armure, perd sa raison d’être : l’arme à feu rend caduque l’armure, et même dangereuse, car ralentissant le mouvement de la cible. L’épée devient alors plus fine et plus légère.

L’histoire de l’escrime peut être partagée en deux étapes : la première est la marque d’un glissement progressif de l’activité guerrière vers une forme d’art martial où le beau geste et l’élégance morale l’emportent ; la deuxième est un nouveau glissement, plus rapide celui-là, entre l’art martial et la pratique sportive contemporaine.

 

Étymologie
En bas latin, escrime se disait schermare et en italien scherma ; ces mots donnèrent en ancien français, les verbes « escremir » et « escremier », qui signifiaient combattre, tirer des armes. Plus récemment le mot « escrime » proviendrait du scandinave « skrimen », ou de l’allemand médiéval « skremen », signifiant « art de se défendre ». On peut définir l’escrime comme l’art de se servir des armes de tranchant et de pointe pour se défendre et pour toucher l’adversaire.


L’origine

C’est durant le siècle de Saint Louis qu’apparaissent dans les écrits les premiers maîtres d’armes professionnels. On reconnaît alors que manier l’épée nécessite un enseignement à la fois théorique et pratique, et cet enseignement est recherché par la noblesse, qui risque fréquemment sa vie sur le champ de bataille, et qui est la seule à pouvoir prétendre à la possession d’une belle épée de qualité.

L’escrime médiévale étonne surtout par la richesse de son répertoire, contrairement aux idées reçues qui ne laissent place dans l’imaginaire contemporain qu’à des épées énormes et des boucliers lourds et encombrants en acier. On y pratique quasiment toutes les armes blanches et contondantes possibles : l’épée, la masse, le marteau de guerre, la lance, la hache, la dague et le poignard, entre autres.

La maîtrise de toutes ces armes découlent directement d’une pratique de l’escrime quasi-exclusivement sur les champs de bataille. Toujours à l’opposé des idées reçues, le guerrier médiéval est assez rapide (cette qualité a toujours été à la base de l’escrime) et beaucoup plus libre de ses mouvements qu’on ne le pense.

Des Fechtbücher (Traités d’escrime, en allemand) ont été écrits du XIVe au XVIe siècles par plusieurs maîtres germaniques ; les plus célèbres sont Johannes Liechtenauer, le maître incontesté du xive siècle, et Hans Talhoffer, maître suisse au xve siècle.

Des écoles de maniement des armes, privées en relations plus ou moins constantes les unes avec les autres, apparaissent dans le Saint-Empire romain germanique : à Zurich, à Bâle, à Ratisbonne, et dans un grand nombre de villes libres d’Allemagne. On y enseigne l’escrime médiévale classique.

C’est en Italie que de nouveaux maîtres, inventifs et avant-gardistes, font leur apparition au tournant des XIVe et XVe siècles : notamment Fiore dei Liberi (1350-1420), courtisan du duc d’Este. Fiore dei Liberi publie en 1410 un traité d’escrime qui va progressivement uniformiser à l’échelle européenne le maniement des armes : il s’agit de son unique œuvre, le Flos Duellatorum. Il est considéré comme le fondateur de l’école italienne.

Au xve siècle l’escrime connaît sa première révolution avec l’invention de la rapière. Cette arme, exceptionnelle pour son époque à tous les points de vue, va complètement transformer l’approche de la discipline. C’est le premier pas vers une escrime de loisir : il s’agit des premiers concours et compétitions d’escrime, qui prennent la suite des anciens tournois pour une noblesse qui voit les derniers feux de la chevalerie. La rapière apparaît en Espagne vers 1470. Son nom est un dérivé de l’espagnol espada ropera, c’est-à-dire « épée que l’on porte avec ses vêtements » : plus simplement, il s’agit de la première épée de ville.

Durant le xve siècle, la rapière, dont l’usage se répand en Méditerranée, est notamment exportée en Italie. Les maîtres italiens connaissent l’arme mais pas son maniement : ils réinventent complètement, de leur côté, la façon d’utiliser la rapière selon l’essai de Camillo Agrippa. Elle s’allonge (1m10), sa pointe s’affine et sa lame s’étrécit. Arme polyvalente, elle permet avec autant d’aisance de porter des coups d’estoc et de taille.

La rapière, en fait, répond à l’apparition des armes à feu. Ces dernières ayant provoqué la disparition progressive des armures, qui ne peuvent les contrer, les armes blanches peuvent aussi s’affiner et préférer la finesse et la rapidité à la force brutale. Son usage se répand progressivement dans toute l’Europe de l’Ouest : dans les années 1490-1500, elle arrive en France à la suite des guerres d’Italie qui ont également amené la Renaissance dans ce même pays ; elle apparaît en Angleterre et en Allemagne vers 1515.

En France, la codification de l’escrime, la définition de ses termes et l’organisation d’une pédagogie de l’escrime eu lieu au cours du xviie siècle par des maîtres d’armes tels que Le Perche du Coudray, Besnard ou Philibert de la Touche. L’absence de masque de protection à treillis métallique conduit à l’élaboration de laphrase d’armes.

Les règles actuelles n’ont été définitivement fixées que très tardivement. Il a fallu que soit créée la Fédération Internationale d’Escrime (FIE) pour que les règles soient enfin acceptées par tous les pays. En juin 1914 la FIE réunie en commission à Parisrédige les règlements des trois armes mettant fin à quinze ans de polémiques couronnées par le boycott des épreuves de fleuret au Jeux Olympiques de Stockholm en 1912.

Le fleuret et le sabre masculin sont armes olympiques dès les premiers Jeux Olympiques en 1896. L’épée masculine le devient en 1900. La première arme féminine est le fleuret ; elle intègre le programme olympique en 1924. Ce n’est qu’en 1996 que l’épée féminine devient arme olympique et en 2004 que l’on voit l’apparition du sabre féminin.

Philosophiquement, le respect de l’autre, le respect des règles et le courage sont des valeurs primordiales de l’escrime : les tireurs se saluent avant l’assaut, et puis une fois l’assaut terminé ils se remercient l’un l’autre et se serrent la main avant de se quitter. D’ailleurs si l’un des tireurs ne respecte pas cette règle (jette son masque, ne salue pas son adversaire, etc.) il risque une exclusion pour toute la saison.

Intellectuellement, la maîtrise de soi et la créativité sont également à la base de ce sport. Lors d’un assaut, des qualités d’anticipation, d’élaboration d’un projettactique de précision sont sollicitées en permanence.

Physiquement, l’escrime exige, et contribue à, une grande souplesse, l’acquisition de réflexes, une flexibilité et une rapidité dans tous les mouvements. La coordination inter-segmentaire, une grande force statique et explosive au niveau des membres inférieurs associés à de l’endurance, font de l’escrime de compétition l’une des activités sportives les plus éprouvantes.

L’escrime contribue à développer et renforcer ces valeurs, dans une harmonie du corps et de l’esprit.

L’escrime sportive contemporaine utilise trois armes différentes : le fleuret, l’épée et le sabre. Cette escrime aux trois armes s’est constituée à la fin du xixe siècle. Toutes ces armes sont présentes aux compétitions de niveau olympique (le sabre féminin a débuté aux Jeux olympiques d’Athènes en 2004).

La lame de l’arme adulte est par convention dite lame no 5. Pour les enfants, le poids et la taille de l’arme sont adaptés. Les poussins et pupilles utilisent une lame no 0 de 77 cm, les benjamins une lame de taille no 2 de 82 cm.

 

Le fleuret
Il a été créé au xviie siècle pour servir d’arme d’entraînement et d’étude. C’est la seule arme qui ne soit jamais sortie des salles d’escrime (contrairement au sabre qui a servi sur les champs de bataille et l’épée qui a été utilisée pour le duel).

C’est une arme légère — 500 grammes pour une longueur de 110 cm — et flexible dont la section de lame est rectangulaire. La touche se fait avec la pointe uniquement.

Le fleuret est une arme d’étude, il est en général la première arme enseignée aux débutants, bien qu’elle soit aussi pratiquée en compétition. En fait, le choix de la première arme enseignée dépend du club et du maître d’armes. Son nom vient de la fleur de laine, autrefois enroulée au bout de la lame pour éviter les blessures. Dans le passé, les femmes n’étaient autorisées à tirer qu’au fleuret et la légèreté de l’arme en rendait son maniement aisé pour les enfants. De nos jours, bien qu’il soit conseillé d’apprendre au moins les principes fondamentaux du fleuret, les escrimeurs peuvent commencer avec n’importe laquelle des trois armes.

L’aire de touche au fleuret est restreinte, c’est un héritage du temps où les équipements de sécurité étaient limités. Les coups au visage étant auparavant dangereux faute de masque, la tête n’est pas une cible valide. L’aire fut réduite au tronc seul, zone où les coups portés seraient potentiellement les plus dangereux si les armes n’étaient pas, fort heureusement, neutralisées. Au fleuret, comme au sabre, il est strictement interdit de « substituer » une surface valable (tronc) par une surface non valable (ex. bras ou tête).

Le règlement international de 2009 dispose que la bavette (partie sous le masque) doit être conductrice.

Le fleuret est une arme d’estoc seulement. L’action offensive de cette arme s’exerce donc par la pointe et par la pointe seule. Comme au sabre, on doit respecter des conventions lors d’un assaut. Il n’y a donc pas de « coup double ». En cas de touches simultanées, la touche est accordée au tireur qui avait la priorité. Cette priorité dépend de la phrase d’armes déterminée par la convention du fleuret. Si aucun des tireurs n’avait la priorité, aucune touche n’est accordée.

Dans les petites catégories, la pointe protégée par un composant, en forme de bille en caoutchouc appelée « mouche », permet les assauts courtois sans risque de blessure durant l’entraînement d’escrime.

Dans les grandes catégories, l’arme à « pointe sèche » a été remplacée par une arme électrique dont le bout se termine par une « tête de pointe » (sorte de bouton métallique sur ressort) qui, reliée à l’appareil, permet d’indiquer les touches pendant l’assaut.

Au fleuret, il faut 500 grammes de pression sur le bouton pour qu’une lampe s’allume indiquant que l’adversaire a été touché (soit verte ou rouge dans une partie valable ou blanche dans une partie non valable).

Philippe Omnès, célèbre fleurettiste français des années 1980-1990, définit ainsi son arme favorite :

« À mon sens, le fleuret est l’arme de référence de l’escrime. La maîtrise technique que nécessite sa pratique est tout d’abord un handicap, mais à terme se retrouve être un atout pour profiter pleinement de l’escrime. Car c’est à travers la technique du fleuret qu’apparaît le mieux la phrase d’armes, véritable conversation entre les tireurs par l’intermédiaire des lames. Le rythme des assauts de fleuret peut être retenu, comme à l’épée, ou au contraire très vif, comme au sabre. »

Aire de touche au fleuret

Aire de touche à l’épée

L’épée
L’épée moderne a été inventée au xixe siècle afin de se battre en duel. C’est une arme d’estoc uniquement. Dans les siècles précédents, on utilisa à partir du xvie siècle : la rapière. La rapière a d’abord évolué en épée de cour sous Louis XIV.

L’action offensive de cette arme s’exerce donc par la pointe et par la pointe seule. C’est une arme plus lourde — 750g pour une longueur de 110 cm maximum — et moins flexible que le fleuret, et sa lame est de section triangulaire. La surface valable comprend tout le corps du tireur, y compris ses vêtements et son équipement.

Lorsque les deux tireurs sont touchés simultanément, et que l’appareil enregistre valablement ces deux touches (pas plus de 0,25 seconde d’écart entre les deux touches), il y a ce qu’on appelle un « coup double », c’est-à-dire un point pour chacun.

Cette arme est dite « non conventionnelle » car elle n’obéit pas à des règles de priorité comme le fleuret et le sabre : les conditions et les règles du combat sont donc très similaires à celles des anciens duels.

Eric Srecki, épéiste émérite, définit l’épée ainsi :
« L’épée, c’est l’arme où les phases d’attente, de préparation sont les plus longues ; l’observation de l’adversaire peut sembler “s’éterniser” lorsqu’on est néophyte, mais il s’agit en fait de contourner la défense de l’adversaire et de s’engager dans la faille (…) C’est donc l’arme de la patience, où les nerfs sont mis à rude épreuve. »

Le sabre
Le sabre est une arme d’estoc, de taille (coup porté avec le tranchant de la lame) et de contre-taille (coup porté avec le dos de la lame); les coups du plat de la lame sont aussi valables.

C’est une arme conventionnelle comme le fleuret6 : le sabre répond aux mêmes règles d’engagement (conventions) que le fleuret, donnant la priorité à l’attaquant, et de même légèreté — 500 g pour une longueur totale de105 cm maximum7.

En cas de touches simultanées, l’arbitre décide d’accorder la priorité à un des tireurs, ou à aucun des deux. Cette priorité dépend de la « phrase d’armes » et des conventions du sabre. La surface valable pour le sabre est tout ce qui se trouve au-dessus de la taille (à l’exception des 2 mains), car cette arme nous vient de la cavalerie, et qu’il était dans ce cas très difficile de toucher en dessous de la taille.

Au sabre, comme au fleuret, il est strictement interdit de « substituer »2 une surface valable par une surface non valable. Contrairement au fleuret et à l’épée, les passes avant (croisement des jambes en un rapide mouvement vers l’avant) sont interdites (elles étaient autorisées mais ont été supprimées du fait que les déplacements des sabreurs se rapprochaient trop de la course).

Le sabre est une arme dont les assauts sont très difficiles à effectuer par des néophytes, la priorité donnée à l’attaque associée à la relative facilité pour toucher son adversaire rendant les combats très rapides.

Jean-François Lamour, sabreur émérite (il a été deux fois champion olympique, à l’épreuve individuelle, à Los Angeles et Séoul, en même temps que champion du monde individuel) et ancien Ministre des Sports, définit d’ailleurs le sabre de cette manière :

« “Assaut” est certainement le mot qui convient le mieux à la discipline du sabre. Plus qu’au fleuret ou à l’épée, c’est dans cette arme que l’escrimeur se trouve dans la nécessité de fondre sur son adversaire en ayant, par feinte et préparation interposées, préparé le geste final.

Il n’y a donc pas ou peu de repos pour le sabreur (…) Adaptation et explosion, voilà ce qu’un sabreur doit toujours avoir en tête quand il monte en piste.

 

Aire de touche au sabre